Senses of cinema (« Les sens du cinéma ») est une revue australienne en ligne, crée en 1999 par le réalisateur Bill Mousoulis. Les publications portent sur des critiques de films, avec des analyses filmique, ou de carrières, des cinéastes, et ce pour tous les films à travers le monde. Le journal participe aussi à la couverture d’événements comme les festivals internationaux.
Senses of cinema est un journal utilisant internet pour support et n’étant pas présent dans la presse écrite. Le mode de présentation du site ne laisse d’ailleurs pas supposer qu’il s’agit d’un journal. Il n’y a pas du numéro de revue publié chaque mois (il y aurait 60 numéros), l’accent semble être d’avantage mis sur les dossiers, de film ou de réalisateur. Les actualités récentes (« current issue ») portent aussi bien sur les derniers articles en date que sur le reste des publications ultérieurs au sein du site.
La rubrique «About us » nous en apprend cependant bien d’avantage sur ce journal, que ce soit son histoires, les membres de son équipe, le rédacteur en chef Rolando Caputo, les publicitaires et sponsors etc… Ce qu’on pourrait nommer la « ligne éditoriale » de ce journal est précisément décrite dans cette rubrique. On comprend donc que les articles traitent surtout d’analyse filmiques, impliquant autant que possible des sujets théoriques et philosophiques. Le but est aussi de proposer une très large approche des films, de l’univers de la culture visuelle dans sa globalité. Les œuvres étudiées comportent toutes les nationalités avec une intention particulière pour les films australiens (le journal étant basé à Melbourne).
Le site est particulièrement sobre, dans les tons noirs et blancs, avec une organisation proche de celle d’un blog (le site va cependant changer d’ici peu), une large bande noire comprend les différentes rubriques : les sujets récents figurants aussi sur la page d’accueil, la rubrique « à propos » , une rubrique entière dédiée aux liens, liens qui sont classés par thèmes (il y a par exemple une dizaine de site sur le cinéma asiatique). Le reste des rubriques regroupent l’essentiel du contenu, des dossiers : que ce soit les « dossiers spéciaux », une data-base des « grands réalisateurs », les « World poll » (sorte de tour d’opinion sur les films de l’année), les archives, les contacts, et une partie donation (un appel au don assez présent sur le site). Le journal possède en effet un très petit budget et ne déclare pas son activité comme étant à but lucratif.
Une fois encore, il est difficile d’évaluer le « sérieux » et la confiance que l’on peut placer dans un site peu connu (du moins en France) ou n’étant pas reconnu comme une institution officielle de référence dans le monde du cinéma. Néanmoins, il semble difficile de se tromper au regard de la quantité et de la qualité des articles de ce journal. De plus, le visiteurs disposent de larges et complètes informations sur les rédacteurs, tous ayant déjà participé à des publications ou faisant partie de près ou de loin du monde professionnelle du cinéma. L’article sur Jean Cocteau est écrit par Richard Misel, un réalisateur et conférencier en analyse filmique à l’Université de Bristol. Il est également l’auteur de Chromatic Cinema (ed. Wiley-Blackweel, 2010). Ces informations sont contenus en fin de page après une bibliographie, une webographie et des notes de fin de page.
Dans cet article, l’auteur se demande comment qualifier la production cinématographique de Jean Cocteau : était-il vraiment un cinéaste ? Bien sur qu’il était cinéaste, au même titre que romancier, poète, peintre, journaliste, promoteur, essayiste, une célébrité à temps plein…(ligne 2). Le cinéaste, à la différence du réalisateur, est un terme qui implique le concept de « politique d’auteur ». Dans une démarche de sacralisation et de reconnaissance de ces auteurs on les nomme cinéaste. Un terme qui convient indéniablement à Cocteau, avec ses trois films phares Le Sang d’un poète, la Belle et la bête et Orphée. Cependant, comme le dit l’auteur, Cocteau s’est toujours considéré lui même comme un amateur. Comme beaucoup d’écrivains de l’époque (Aragon, André Breton, Colette), il s’est lancé dans l’adaptation au cinéma avec les avant-garde. Cocteau n’était pas attiré par un art plutôt que les autres (l5). « Instead he utilised all the media available to him to create a complex personal mythology which mixed imagery and text, poetry and prose, fact and fiction, realism and fantasy, history and modernity. » Cocteau à recours à plusieurs medium pour projeter sa biographie-mythologie.
La question de savoir ou placer Cocteau, dans quel « genre » ou plutôt dans quelle « case », est le sujet de beaucoup d’écrit, surtout concernant sa production littéraire. L’intérêt de cet article est que celui-ci se place du point de vue de Cocteau lui-même face à sa production. L’auteur structure son article en annonçant ses intentions dans un premier temps : à savoir écrire un compte-rendu linéaire et chronologique de la vie de Jean Cocteau et de son travail, avec un intérêt particulier pour ses films.
L’avantage de cet article est qu’il présente des sources fiables, peu utilisés, avec des éléments de la vie de Cocteau beaucoup moins connus ou peu souvent évoqué (comme le scandale du ballet Parade avec Satie et Picasso). L’auteur prend aussi la peine d’insister sur sa place et ses relations avec le milieu artistique et les autres écrivains. L’auteur s’appuie sur les écrits de Cocteau mais aussi sur des ouvrages de référence tel que Jean Cocteau and his Films of Orphic Identity de Arthur B.Evans (Philadelphia, The Art Alliance Press, 1977).
L’auteur, toujours dans une démarche chronologique, suivant la vie de Cocteau, traite de 3 éléments caractéristiques de son esthétique, et que l’on retrouvera tout au long de son œuvre : la mythologie, le drame (la mort, thème réccurent), et le fantastique. On s’était déjà posé la question, au sein de ce blog, de savoir si Cocteau pouvait véritablement être classé dans le genre fantastique, du moins pour une partie de son œuvre. Ici l’auteur a la bonne initiative de replacer ce terme dans son contexte, et son évolution du XIXe au XXe siècle. Le fantastique de Cocteau se rapproche de celui d’Edgar Allan Poe et de Lovecraft. L’auteur le place ainsi dans la tradition des poètes romantiques et des pionniers du cinéma comme George Méliès et ses fantasmagories.
La suite de l’article porte ensuite sur les 3 œuvres principales de la carrière de Jean Cocteau (Le sang d’un poète, la Belle et la Bête, Orphée). Ces films sont ceux qui ont connus une grande postérité et témoigne chacun d’une période spécifique de création dans la vie de Cocteau. Le choix de ses œuvres et leurs analyses nous paraissent ici tout à fait pertinentes et approprié. Et ce d’autant que la rédaction à le mérite de suivre pour fil conducteur, la vie même de Cocteau.
L’auteur apporte une réponse, du moins une proposition de réponse à la « question » Jean Cocteau : a filmaker ? Cocteau lui-même dit ne pas appartenir au milieu du cinéma bien qu’il y rencontre un certain succès, il est avant tout un homme des lettres (« Cocteau was above all a man of letter »). De plus, essentiel de son œuvre ne porte pas sur le temps et l’amour, la mort et le temps, mais bien sur Cocteau lui-même. C’est surtout le cas pour Le Testament d’Orphée, le dernier de ses films.
L’article se termine sur la mort de Cocteau, éclipsé par celle de Edith Piaf, décédée un jour avant lui (10 Octobre 1963) ainsi que sur un commentaire sur la postérité et la réception de Cocteau, un sujet habituellement peu évoqué, alors que nous avons nous même observé à quel point ce cinéma n’a pas particulièrement bien vieillit. L’auteur précise en effet que sa réputation à quelque peu décliné, bien que – comme Edith Piaf – Cocteau demeure une véritable institution. Après un période de déclin il semblerait que notre générations s’intéresse de nouveau à son œuvre, en témoigne la rétrospective au centre Pompidou. L’auteur termine en ces mots : « Cocteau’s work continues to endure in a cycle of death and rebirth ». L’oeuvre de Jean Cocteau est à l’image de sa production, un cycle de vie entre mort et renaissance.